Installez-vous confortablement et fermez les yeux. Faites venir à vous, en vous des images, des sons, des mots, des odeurs, des parfums, des saveurs… Faites exister dans votre tête, le souffle du vent, sentez sa caresse brûlante. C’est un vent froid, piquant. Il brûle vos narines, colle vos cils. Il a parcouru un très long chemin depuis les plaines de Sibérie, par-delà les collines, les montagnes et les pics. Et écoutez : dans son sillage de glace sont accrochés des mots, des paroles, une histoire. La légende de Nikolaï Takafartétésky !
C’était la nuit, en pleine toundra, au nord de la Sibérie, Nikolaï Takafartétésky dormait paisiblement dans sa datcha. C’est alors qu’un songe vint perturber son sommeil. Une sorte de vision. Un cube ? La journée, il n’y pensa plus, mais l’image obsédante s’imposait à lui. Une boîte ? La nuit suivante, la même image apparut en rêve et ne lui laissa plus de repos. Il décida d’en parler au Maître Clère. Après avoir écouté Nikolaï, le maître Clère lui conseilla une musique douce pour apaiser ses songes. Nikolaï fit donc venir à ses côtés un quatuor de clarinettes réputé.
Nikolaï s’endormit profondément à l’aide de cette musique, mais la vision ne disparaissait pas. L’image était bien là , dans sa tête. C’était une sorte de boîte, de cube parallélépipédique. Sa surface semblait lisse et régulière. Les proportions étaient harmonieuses. Nikolaï avait l’impression que la boîte était en bois. Mais à quoi servait-elle ? Pourquoi s’imposait-elle à lui de cette façon ? Il ne le savait pas et ces questions tournaient dans sa tête, comme un bourdon qui tourne en rond…
Il fallait faire quelque chose et Nikolaï alla exposer sa situation à la sorcière-voyante-mathématicienne Véronica Tandeminovitch. Celle-ci prit très au sérieux la requête de Nikolaï Takafartétésky : elle lut les cartes du ciel, fit de savants calculs en rapport avec la position des planètes, les lettres de son prénom, consulta le bulletin des risques d’avalanches et finit par rendre son analyse : Nikolaï n’avait qu’à suivre son idée, sa vision. Il lui fallait seller son cheval, Casto, y accrocher sa pulka et partir. Ses pas le conduiraient là où il devait aller… En effet, Casto prit une allure tranquille pour le conduire à travers les immensités sibériennes.
Nikolaï et Casto arrivèrent dans une ville au nom de Fermacellograd. Nikolaï était certain de trouver les réponses à ces questions qui le tourmentaient et qu’il serait enfin soulagé de cette vision indétrônable. Et c’est le cœur léger qu’il parcourt les ruelles de la cité.
Mais après une après-midi de déambulation, aucune solution ne se présente à lui. La boite obsédante est là , devant ses yeux, mais inaccessible, envahissant toutes ses pensées. Et, le soir venu, c’est le moral dans les chaussettes qu’il pousse la porte d’une taverne. Désespéré, prisonnier de sa vision, il cherchait à noyer son chagrin. Le tenancier lui propose sa meilleure vodka, mais Nikolaï commande un jus de pomme bio…
Le lendemain, à son réveil, Nikolaï Takafartétésky ne retrouve plus ses affaires. Elles ont été volées. Enfourchant son fidèle Casto, il se lance aux trousses des voleurs. Il trouve leurs traces et les rattrape à la lisière d’une forêt. Nikolaï reconnait immédiatement parmi eux le fourbe comte de Baralyer et son cheval noir appelé Placo. Un combat s’engage et les voleurs sont rapidement mis en fuite. Victoire !
Nikolaï récupère son bien. Mais ses pas sont irrésistiblement attirés par la forêt. Des arbres immenses au tronc argenté encadrent un sentier clair et granuleux, on aurait dit de l’enduit à la chaux. Les chênes qui l’entourent agitent des branches luisantes d’huile dure. Le soleil scintille à travers les feuilles, la forêt semble vibrer de présence et de malice. Il suit le sentier et parvient à une clairière, sorte de sanctuaire végétal.
Il pénètre dans la clairière. La boite est là  ! Immense, magnifique, posée sur un tertre moussu, tel un trône. Des fées volent autour et invitent le jeune homme à gravir les quelques mètres qui le séparent du coffre en bois. Car Nikolaï s’aperçoit qu’elle est munie d’un, non de deux couvercles. Aucune serrure. Il ouvre le précieux réceptacle et y admire un seau en inox parfaitement lustré. Dans le second compartiment est logé un délicat tas de copeaux de bois, assurant une hygiène parfaite. Nikolaï prend place sur le siège ainsi offert, tandis qu’un cerf se rapproche. Accroché dans sa ramure, du papier toilette écologique. Un écureuil lui apporte le bulletin municipal de St Martin d’Uriage, édition spéciale « Je trie, tu tries, on s’aime ». Enfin, il se sent libéré d’un poids, la félicité est totale !